Alors que la lutte entre les forces de sécurité nigérianes et les membres de la secte islamiste Boko Haram continue à faire rage dans le pays, la méfiance de la population envers leurs propres forces de sécurité apparaît sans équivoque.
Au début de ce mois, des habitants de Chibok, la ville où plus de 230 lycéennes ont été enlevées le 14 avril, sont descendus dans la capitale Abuja pour réclamer des pourparlers avec Boko Haram, sans une implication de l’armée. La population nigériane, particulièrement celle du Nord du pays, n’hésite pas à qualifier leurs propres forces de l’ordre comme « cruelles », « dépassées », ou « corrompues », alors qu’elles sont confrontées chaque jour à la folie meurtrière de Boko Haram. Les différents témoignages recueillis rapportent des exécutions sommaires perpétrées par les militaires nigérians sur des civils soupçonnés d’être des collaborateurs de la secte islamiste.
La méfiance à l’égard des militaires nigérians dépasse les frontières du pays. La diplomatie américaine, à travers Sarah Sewal, la sous-secrétaire d’Etat pour la sécurité civile, a déjà dénoncé « la corruption qui empêche des équipements basiques comme les munitions ou les véhicules de transport d’atteindre la ligne de front », en plus de rumeurs de complicité au sein de l’armée au bénéfice du groupe islamiste.
La brutalité des interventions de l’armée nigériane suscite également des inquiétudes. La France, qui est montée au créneau après l’enlèvement des lycéennes de Chibok, a laissé entendre qu’elle ferait tout pour que l’armée nigériane n’intervienne pas seule si les lycéennes de Chibok venaient à être localisées. Elle espère ainsi prévenir un bain de sang comme cela avait été le cas lors de la tentative de libération en 2012 de deux otages britanniques dans le nord-ouest du pays qui avaient été exécutés par les membres de Boko Haram.