Le travail forcé dans la région du Sahel

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Le nouveau rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur le travail forcé vient de mettre sur le tapis ce phénomène si inquiétant qui prend une ampleur de plus en plus alarmante.
Défini selon l’OIT comme étant un "travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et que l'individu en question n'exécute pas de son plein gré", le travail forcé sévit particulièrement dans les régions instables et conflictuelles où les enfants en bas âge sont enrôlés dans les rangs de l'armée ou des milices.

Intitulé "le coût de la coercition", ce rapport met en relief l’étendue géographique de ce phénomène. Il estime que le «coût d’opportunité» de la coercition exercée sur les travailleurs victimes de ces pratiques illicites, abusives et multiformes, en termes de pertes de gains, totalise pas moins de 21 milliards de dollars par an dérobés indûment aux victimes.
Ce rapport constate une aggravation du travail forcé sur le continent africain. Un continent frappé par la pauvreté et rongé par les conflits armés où on recense pas moins de 537.500 personnes victimes du travail forcé. A ce chiffre s’ajoutent environ 112.444 victimes de trafic. Pour l’OIT, ce chiffre est bien en deçà de la réalité. Il serait à environ de 12,3 millions de personnes, ce qui montre la gravité croissante de ce phénomène.
La région du Sahel est très touchée aussi par ce fléau. Elle présente le terreau propice à la prolifération de ce genre de pratiques criminelles, illégales et inhumaines du travail forcé. Il faut dire dans ce sens que le travail forcé est intimement lié à l’indigence ambiante et à la pauvreté. Il s’appuie sur des pratiques sociales détournées, dont les enfants, la plupart âgé de 15 à 18 ans sont les premières et les principales victimes.
Des pays comme le Soudan, le Tchad, le Mali, la Mauritanie, le Niger connaissent des pratiques bien ancrées qui relèvent de l'esclavage pur et simple et où les discriminations apparentes et socialement tolérées à l'encontre de descendants d'esclaves sont très développées.
Plusieurs facteurs sont derrière ces pratiques inhumaines. D’une part, les conditions économiques et sociales détériorées favorisent le développement clandestin et informel du travail obligatoire. D’autre part, les considérations ethniques pèsent également de tout leur poids dans la prolifération du travail forcé. C’est le cas du Soudan où l’esclavagisme est très enraciné dans la culture locale, d’autant plus qu’il est fortement nourri par les tensions dans la région et la guerre civile. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’esclavagisme, les enlèvements et les pratiques d’asservissement sont légion dans cette région ce qui constitue une atteinte gravissime à la dignité humaine et aux principes élémentaires des Droits de l’Homme.
Il faut dire que l’informel, l’insécurité, la vulnérabilité économique et l’escalade de violence et les conflits récurrents entretiennent le travail forcé qui prend une dimension préoccupante dans la région. Ce phénomène touche essentiellement les populations les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants victimes de pratiques criminelles, frauduleuses et dépourvues d’éthiques.
La crise économique n’est pas en reste puisqu’elle a eu un impact très négatif sur les économies de la région et sur les aides consacrées aux pays du Sahel qui se raréfient beaucoup plus aggravant le sort de pans entiers de populations qui deviennent de plus en plus vulnérables, taillables et corvéables à merci. Des populations exploitables à fond, forcées de travailler dans des conditions inhumaines.
Il est temps que la communauté internationale prenne ce phénomène à bras le corps en consacrant des aides substantielles aux gouvernements des pays du Sahel pour éradiquer ce fléau et lutter contre ces nouvelles pratiques de plus en plus abusives, insidieuses et mafieuses. Des pratiques qui se développent souvent dans la clandestinité et sous des formes diverses et variées.