Le groupe armé de Mokhtar Ben Mokhtar, un des émirs algériens de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a libéré dimanche les deux humanitaires espagnols Roque Pascual et Albert Vilalta, enlevés le 29 novembre en Mauritanie et détenus au nord du Mali. Reste à savoir à quel prix cette relaxe a été obtenue, sachant que les Espagnols ont réussi là où les Français ont échoué à libérer Michel Germaneau, qui aurait été exécuté par ses ravisseurs le 24 juillet dernier.
Selon la presse espagnole, Madrid aurait versé entre 5 et 20 millions d’euros comme rançon aux ravisseurs. Une zone d’ombre plane néanmoins sur ces enlèvements récents. Selon plusieurs spécialistes des questions de sécurité et du terrorisme dans le Maghreb et la région sahélo-saharienne, la zone sahélienne serait devenue depuis quelques temps le terrain d’une confrontation sourde entre les services de renseignements des anciennes puissances coloniales (France et Espagne) et ceux des pays limitrophes de la région (Algérie, Mauritanie, Mali). Bien que leur ennemi commun soit officiellement la franchise d’Al Qaïda au Maghreb (AQMI), une confrontation se jouerait autour d’intérêts spécifiques à chacun des intervenants. En décortiquant les événements qui se succèdent dans la région, l’on s’aperçoit ainsi que l’Algérie est en train de redevenir un acteur régional dans le domaine de la sécurité du Sahel. Ses puissants services secrets, le Département de Renseignement et de Sécurité (DRS) seraient ainsi derrière la libération et l’extradition à Bamako du malio-sahraoui Omar Sid’Ahmed Ould Hamma, condamné en Mauritanie à 12 ans de prison ferme pour l’enlèvement des humanitaires espagnols. Âgé de 52 ans, et surnommé « Omar le Sahraoui » pour avoir combattu au sein du mouvement du Front Polisario, il ferait partie du deal contracté avec le réseau AQMI en échange de la libération des deux humanitaires Espagnols. L’Algérie aura ainsi fait d’une pierre deux coups. D’une part, elle aura infligé un camouflet supplémentaire à l’Elysée après l’échec de l’assaut franco-mauritanien contre une base d’AQMI pour la libération de Michel Germaneau. D’autre part, Alger serait intervenu pour la libération des otages espagnols afin de gagner de nouveaux relais auprès de l’opinion publique espagnole tout en démontrant qu’elle détient le leadership sécuritaire dans la sous-région. A la lutte contre le terrorisme au Sahel verrons-nous s’ajouter une guerre inter « services » ?