Tunisie : La répression s’intensifie sous Kaïs Saïed 

La justice tunisienne a décidé, jeudi, de remettre en liberté Mohamed Boughalleb, journaliste et figure médiatique, poursuivi en vertu d’un décret présidentiel adopté pour lutter contre la diffusion de « fausses informations ». Sa libération survient peu après celle de Sihem Bensedrine, une militante des droits humains parmi les plus célèbres du pays.

La Cour criminelle du tribunal de première instance a accepté la demande de libération formulée par la défense, bien que Boughalleb demeure poursuivi en vertu du décret-loi 54, selon son avocat, Me Hamadi Zaafrani. Il lui est toutefois interdit de quitter le territoire et son procès a été reporté au 21 avril, selon la même source.

Boughalleb est connu pour ses critiques acerbes de la classe politique et du président Kaïs Saïed, ainsi que pour ses enquêtes sur la corruption en Tunisie. Emprisonné depuis le 22 mars 2024, il avait été condamné un mois plus tard à six mois de prison, une peine portée à huit mois en appel, pour avoir porté atteinte à l’honneur d’une cheffe de service au ministère des Affaires religieuses.

Cette condamnation faisait suite à une publication sur ses réseaux sociaux et à des propos tenus en direct à la radio, dans lesquels il demandait des explications sur les déplacements à l’étranger de cette responsable en compagnie du ministre des Affaires religieuses.

Par ailleurs, l’arrestation d’Abir Moussi, dirigeante du Parti Destourien Libre de Tunisie, a suscité une vive inquiétude. Incarcérée depuis février 2024, Moussi a entamé une grève de la faim pour protester contre ce qu’elle qualifie de mauvais traitements infligés par les autorités.

Son arrestation est liée à son opposition au décret présidentiel de Kaïs Saïed, qui appelait à la tenue d’élections locales en décembre 2023. Après avoir vu sa demande de recours rejetée, elle avait diffusé une vidéo en direct sur les réseaux sociaux pour exprimer sa position, ce qui a conduit à son emprisonnement. Son équipe juridique a exprimé de vives inquiétudes concernant l’aggravation de sa santé.

Le décret-loi 54, adopté en septembre 2022, a pour objectif de lutter contre la diffusion de « fausses informations ». Cependant, il est fortement critiqué par les défenseurs des droits de l’homme en raison de son interprétation trop large par la justice.

Selon des données de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), environ 400 personnes, parmi lesquelles des opposants, des journalistes, des avocats, des blogueurs et des citoyens, sont poursuivies sous ce décret.

Depuis que Kaïs Saïed a pris le pouvoir en juillet 2021, après un coup de force qui lui a permis de s’octroyer des pouvoirs exceptionnels, des ONG tunisiennes et internationales ont dénoncé une régression des droits et des libertés en Tunisie, et ce décret n’a fait qu’aggraver les tensions autour de la liberté d’expression dans le pays.