Tchad : Le gouvernement se dissocie d’une proposition sur les droits des femmes divorcées

Le gouvernement tchadien a pris ses distances avec une proposition de loi visant à protéger les femmes en cas de divorce, une initiative qui avait suscité de vives réactions dans les médias et sur les réseaux sociaux. Portée par la ministre d’État en charge des Femmes, Amina Pricille Longo, cette proposition suggérait que, dans le cas d’un divorce « non motivé », le domicile conjugal revienne à la femme et à ses enfants.

Faisant partie d’un travail collectif réalisé dans le cadre de la Semaine nationale de la femme tchadienne (SENAFET), cette mesure visait à renforcer les droits des femmes, souvent défavorisées après un divorce. Cependant, elle a rapidement donné lieu à des débats et critiques.

Dans un communiqué officiel, le porte-parole du gouvernement a précisé que cette proposition n’était qu’une simple recommandation et non une décision étatique. « Il s’agit d’une recommandation émanant d’un travail collectif dans le cadre de la SENAFET et non d’une décision étatique », a-t-il insisté. Il a également souligné que cette recommandation « n’engage en aucune manière le gouvernement », appelant à la « sagesse et à la retenue » face à la polémique qu’elle a suscitée.

Malgré cette distanciation, la proposition avait été largement saluée par les femmes, qui y voyaient une avancée importante pour la protection des droits des femmes divorcées dans un pays où elles sont souvent désavantagées après une séparation. Cependant, les critiques ont rapidement émergé, notamment sur les réseaux sociaux, où des commentaires négatifs ont fusé, ciblant notamment la ministre Amina Pricille Longo. Certains ont accusé la ministre de vouloir « spolier » les hommes de leurs biens.

« Une bonne femme ne cherche pas à vivre célibataire dans une grande maison avec des enfants sans père à côté », a réagi un avocat, Alain Kagonbe, sur Facebook. Un autre commentaire, plus virulent, a estimé : « Les femmes émancipées peuvent construire leur propre maison, pas accaparer celle de leur mari. » Ces critiques étaient souvent centrées sur l’idée que la proposition remettait en question l’autorité et la position des hommes au sein du foyer familial.

La proposition a également suscité des réactions au sein du gouvernement et des élites politiques. Le Secrétaire général de la présidence, Mahamat Ahmat Alhabo, a soulevé des interrogations sur l’applicabilité de la loi dans le contexte social et culturel du Tchad. « Un musulman tchadien est marié à quatre femmes avec plusieurs enfants. Tout le monde habite une seule maison. Le mari a répudié une épouse. Comment appliquer cette loi ? », a-t-il demandé, soulignant les difficultés pratiques que cette mesure pourrait engendrer dans les familles polygames.

De son côté, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Abdramane Koulamallah, a estimé que les hommes exprimaient des inquiétudes excessives. « Certains hommes s’indignent à tort, prétendant que la loi chercherait à les spolier en donnant leur maison à leur ex-femme », a-t-il déclaré, minimisant ainsi les réticences.

Le Tchad a connu ces dernières années des progrès significatifs en matière de droits des femmes, notamment en termes d’autonomie, d’accès à l’éducation et de représentation politique. Un rapport récent des Nations Unies a salué ces avancées, bien que de nombreux défis persistent. Selon les données de l’ONG Groupe URD, reprises par Amnesty International, un quart des Tchadiennes de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 15 ans, un chiffre préoccupant qui illustre encore les inégalités de genre dans le pays.

La question des droits des femmes, en particulier en matière de divorce et de propriété, reste au cœur des débats sociaux et politiques au Tchad. Si la proposition de loi sur le domicile conjugal a été rapidement rejetée par le gouvernement, elle a néanmoins ouvert une discussion importante sur la manière dont le Tchad pourrait mieux protéger les droits des femmes, en particulier celles confrontées à des divorces difficiles dans un contexte où les normes culturelles et sociales demeurent largement patriarcales.

Ce débat met en lumière les tensions profondes qui existent sur la place des femmes dans la société tchadienne et sur l’évolution des mentalités face aux inégalités de genre. Même si la proposition de loi n’a pas été retenue, elle a permis d’engager une réflexion plus large sur la nécessité de renforcer les droits des femmes dans un pays où les défis restent nombreux.